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La drogue du sport : identification et impacts sur les athlètes

1,2 million de Français suivis chaque année pour une addiction. Au cœur de ces chiffres, une dépendance silencieuse s’installe : celle du sport à outrance, bien loin de l’image saine et joyeuse qui s’affiche sur les podiums. L’Organisation mondiale de la santé reconnaît, depuis 2018, les troubles liés à l’exercice physique compulsif comme une pathologie distincte. Malgré une valorisation sociale de la performance, les pratiques sportives excessives échappent souvent à la vigilance du corps médical et des instances sportives.

Certains athlètes continuent à ignorer les signaux d’alerte, sous la pression des objectifs et des attentes externes. Les conséquences dépassent le simple épuisement physique et concernent aussi la santé mentale, le risque de blessures graves et le recours à des substances illicites.

Quand la passion du sport bascule dans l’addiction : comprendre un phénomène méconnu

L’addiction au sport, ou bigorexie, a fait son entrée dans le paysage médical français après sa reconnaissance par l’OMS en 2011. Le Centre d’études et de recherches en psychopathologie (CERPP) en donne une définition précise : un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer une activité physique, même lorsque cette envie déborde et nuit à la santé physique, mentale ou sociale. Il ne s’agit plus seulement d’une passion dévorante : la bigorexie rime avec perte de contrôle et rituels imposés, au point de reléguer tout le reste au second plan.

Ce phénomène dépasse largement les frontières du sport élite. Amateurs comme professionnels se retrouvent confrontés à ce risque, comme en témoignent Servane Heudiard et Julie Hémar, deux anciennes athlètes ayant connu ce piège. Pour ces sportifs, l’entraînement devient le centre de gravité de l’existence, reléguant la vie sociale et professionnelle à l’arrière-plan. Face à cette réalité, le ministère des Sports a instauré un suivi psychologique systématique pour les sportifs de haut niveau, afin de repérer au plus tôt les signes d’une pratique devenue excessive.

Quelques points permettent de saisir la spécificité de la bigorexie :

  • Bigorexie : une addiction comportementale
  • Risque partagé entre amateurs et professionnels
  • Ritualisation, perte de contrôle, isolement
  • Dispositif de suivi renforcé par le ministère des Sports

En réalité, la bigorexie occupe la même catégorie que les autres addictions comportementales, comme le jeu pathologique. Le véritable défi : détecter ce moment où le plaisir de l’activité physique glisse vers la contrainte, où le culte de la performance prend le dessus sur toute forme de recul. Philippe Salas, chercheur au CERPP, insiste sur la difficulté du diagnostic : la frontière entre investissement personnel et dérive reste floue. Quand une personnalité médiatique comme Bixente Lizarazu ose lever le voile sur ce sujet, le tabou recule d’autant, révélant la souffrance cachée de nombreux sportifs prisonniers de leur propre exigence.

Quels sont les impacts physiques, psychologiques et sociaux sur les athlètes concernés ?

La pratique excessive du sport expose à des conséquences multiples. Sur le plan physique, le corps encaisse en silence : blessures répétées, fatigue qui ne s’efface plus, douleurs musculo-squelettiques qui s’installent. Progressivement, le seuil de tolérance grimpe : il faut toujours plus d’entraînement pour retrouver la même sensation d’accomplissement. Cette spirale pousse certains à ignorer la douleur, à négliger la récupération, jusqu’à risquer la blessure irréversible.

Sur le plan psychologique, la dépendance mentale s’installe sans bruit. L’idée de rater une séance provoque une anxiété grandissante. Parfois, l’arrêt, même temporaire, déclenche un véritable sevrage : irritabilité, tristesse, troubles du sommeil, voire épisode dépressif. D’autres troubles peuvent s’y greffer, tels que l’anorexie athlétique ou la dysmorphophobie musculaire, où l’image du corps devient source d’obsession.

Les conséquences sociales ne sont pas en reste. L’isolement s’installe, les liens se distendent, et la sphère familiale ou professionnelle finit par pâtir de ce recentrage constant autour du sport. Certains, sous pression, glissent vers la polyconsommation de produits : stéroïdes, EPO, hormones, mais aussi alcool, cannabis ou cocaïne. La liste des substances dopantes ou festives s’allonge, entraînant des dérèglements parfois dramatiques pour la santé et l’équilibre psychique.

Voici les principales conséquences observées chez les sportifs concernés :

  • Blessures, fatigue chronique, troubles alimentaires
  • Dépendance, anxiété, dépression, symptômes de sevrage
  • Isolement, impact familial et professionnel, recours aux substances dopantes

Jeune sprinteuse regardant au loin sur la piste extérieure

Des solutions existent : repérer les signaux d’alerte et accompagner vers un équilibre durable

Certains indicateurs doivent alerter : augmentation incontrôlable du volume d’entraînement, éloignement des proches, blessures à répétition, anxiété palpable à l’idée de devoir ralentir ou arrêter. L’entourage joue ici un rôle déterminant. Un regard extérieur, parfois plus lucide, permet de mesurer l’ampleur d’une pratique devenue envahissante.

Écouter ses proches, varier les activités physiques, réduire la fréquence ou la durée des séances, sont autant de pistes concrètes. Le plaisir demeure la boussole : l’activité sportive doit rester source de bien-être, jamais s’imposer comme une obligation tyrannique. Les sports collectifs, l’attention portée à l’hydratation et à la récupération, contribuent à recréer un cadre plus sain.

Sortir de la spirale de la bigorexie s’appuie sur une prise en charge coordonnée : médecin généraliste, psychologue, addictologue, sans oublier psychiatre ou diététicien selon les besoins. Des groupes de parole, des structures comme les antennes médicales de prévention du dopage, l’INSEP, les CREPS ou le CAPS, accompagnent les sportifs en difficulté et leur proposent des solutions adaptées.

Pour progresser vers un équilibre retrouvé, plusieurs leviers existent :

  • Consultez sans tarder si la perte de contrôle ou les répercussions sur la vie professionnelle et familiale deviennent trop lourdes.
  • Alternez les sports et les routines pour éviter de tomber dans la répétition et l’addiction.
  • Cherchez un rythme qui permette de conjuguer progrès, plaisir et respect de soi, loin des logiques de performance à tout prix.

Derrière chaque record, chaque médaille, il y a une frontière à ne pas franchir. Le vrai défi : ne pas se perdre dans la quête de la performance, et retrouver le sens du mot « sport » : partage, équilibre, plaisir. Le corps et l’esprit, eux, ne trichent jamais bien longtemps.