Rester assis, immobile, pendant des heures double le risque de souffrir du dos. Les recommandations de l’OSHA sont claires : laisser le corps figĂ©, jour après jour, finit par abĂ®mer la colonne vertĂ©brale. MĂŞme les gestes anodins, rĂ©pĂ©tĂ©s sans relâche, finissent par laisser des traces qui ne s’effacent pas. Les consĂ©quences ne s’annoncent pas toujours Ă grand bruit : ce sont les microtraumatismes, silencieux, qui marquent le corps pour longtemps.
Les chiffres le confirment : certaines articulations payent un tribut bien plus lourd que d’autres, sans mĂŞme que la difficultĂ© du travail saute aux yeux. Pourtant, anticiper dès la conception des postes s’avère bien plus efficace que de rĂ©parer les dĂ©gâts après coup. Trop souvent, ces ajustements passent Ă la trappe. Malheur : c’est lĂ que tout se joue.
Les troubles musculo-squelettiques : un enjeu majeur pour la santé au travail
En France, les troubles musculo-squelettiques (TMS) monopolisent la scène des maladies professionnelles, dĂ©passant les 86 % des cas reconnus. Dans le secteur de la santĂ©, le chiffre grimpe mĂŞme Ă 87 %. L’alerte est lancĂ©e : le phĂ©nomène touche toute l’Europe, tous secteurs confondus. Industrie, construction, services, transport, logistique : aucun domaine n’Ă©chappe Ă la vague.
Les TMS englobent une multitude de blessures : muscles, tendons, ligaments, articulations, nerfs ou vaisseaux sanguins, les dĂ©gâts n’Ă©pargnent personne. La facture est lourde pour les employeurs. En 2017, les entreprises françaises ont englouti 2 milliards d’euros pour gĂ©rer ce flĂ©au. Pour une lombalgie persistante, c’est plus de 44 000 € Ă sortir. Un syndrome du canal carpien ? Près de 13 000 €. Derrière ces montants se cachent des rĂ©alitĂ©s très concrètes : un quart des arrĂŞts maladie provient des TMS, soit 22 millions de journĂ©es de travail envolĂ©es chaque annĂ©e.
Pour mesurer l’ampleur du phĂ©nomène, voici quelques donnĂ©es frappantes qui illustrent la progression et la gravitĂ© des TMS :
- Depuis 2003, on observe une hausse de 60 % des TMS en France.
- 45 % des personnes touchées gardent des séquelles sévères, parfois de manière définitive.
- La majorité des cas, environ 75 %, ne sont même pas déclarés officiellement comme maladie professionnelle.
ConsĂ©quence directe sur la santĂ© au travail : absentĂ©isme, Ă©quipes dĂ©sorganisĂ©es, roulement permanent. Ă€ l’hĂ´pital, la qualitĂ© des soins s’en ressent, tout le collectif dĂ©raille. Les chiffres europĂ©ens confirment ce tableau : 40 % des soignants Ă©voquent douleurs dorsales ou gĂŞnes au niveau des bras. MĂŞme constat chez nos voisins d’outre-Atlantique, oĂą infirmiers et aides-soignants affichent l’un des taux les plus Ă©levĂ©s de souffrance corporelle.
Quelles parties du corps sont le plus souvent touchées par les TMS ?
Ces troubles musculo-squelettiques ne laissent quasiment aucune zone indemne. Le dos ouvre la marche, avec la région lombaire qui subit les charges lourdes et les longues heures passées dans une même position. La lombalgie domine nettement, avec en embuscade dorsalgies et cervicalgies. Bâtiment, transport, industrie, métiers de la santé : tous connaissent ces atteintes, à force de soulever, pousser, rester penché.
Les membres supĂ©rieurs souffrent eux aussi : Ă©paules, coudes, poignets, mains. Le syndrome du canal carpien incarne le mal le plus connu, mais il n’est pas seul. D’autres, comme la tĂ©nosynovite de De Quervain ou la tendinite de l’Ă©paule, s’invitent aussi. Les opĂ©rations rĂ©pĂ©tĂ©es, les outils vibrants, la chaĂ®ne ou mĂŞme le travail minutieux devant un clavier, tout cela entame les articulations. Un laborantin, un dentiste, un salariĂ© de bureau… MĂŞme dans un environnement tranquille, la rĂ©pĂ©tition ou l’immobilitĂ© usent lentement mais sĂ»rement.
Impossible d’occulter la question des membres infĂ©rieurs. Genoux, chevilles, surtout chez ceux qui travaillent debout, encaissent coups et contraintes, que ce soit dans l’entretien ou sur les chantiers. Peu importe le secteur, chaque profession imprime sa marque sur le corps, chaque tâche laisse sa trace.
Pour bien visualiser l’Ă©tendue de ces zones touchĂ©es, voici les principales rĂ©gions concernĂ©es :
- Dos et région lombaire : lombalgie, dorsalgie
- Membres supĂ©rieurs : tendinites, canal carpien, bursite, douleurs Ă l’Ă©paule
- Membres inférieurs : genoux, chevilles
Observer cette carte des TMS, c’est dĂ©couvrir une mosaĂŻque de douleurs oĂą chaque profession imprime sa propre empreinte sur les travailleurs.
DĂ©tecter les signaux d’alerte pour agir avant qu’il ne soit trop tard
Certains symptĂ´mes ne devraient laisser place Ă aucun doute. Douleurs persistantes, raideur matinale, fourmillements ou engourdissements dans les membres : rien d’innocent. Les troubles musculo-squelettiques se dĂ©clarent d’abord par petites touches. Chez les infirmiers ou aides-soignants, cela commence par une lombalgie en fin de journĂ©e, une gĂŞne au poignet après des manipulations rĂ©pĂ©tĂ©es. Un technicien de laboratoire mentionnera des picotements dans la main, un chirurgien ou un dentiste se plaindra d’une nuque raide, crispĂ©e par l’immobilitĂ© prolongĂ©e.
Dans les milieux les plus Ă risque, l’Ă©tendue du problème saute aux yeux : 40 % des soignants europĂ©ens dĂ©clarent souffrir du dos ou des bras. En France, les TMS sont l’incarnation mĂŞme des maladies professionnelles. Les arrĂŞts se multiplient, le risque d’une reconversion imposĂ©e devient tangible.
Face Ă ces signes, la rĂ©action doit ĂŞtre immĂ©diate : rĂ©aliser sans dĂ©lai une Ă©valuation des risques. Examiner l’ensemble des tâches : gestes rĂ©pĂ©tĂ©s, maintien d’une posture immobile, ports de charges, amplitude des mouvements, tout passe au filtre. Analyser aussi l’organisation du travail : pression temporelle, manque de pauses, charge de travail inĂ©galement rĂ©partie. Le piège se niche parfois dans les dĂ©tails. Une lombalgie persistante chez un soignant, une tendinite au poignet au bureau, ce n’est jamais anodin.
Pour reconnaĂ®tre Ă temps les signaux prĂ©occupants, voici ce qu’il faut surveiller de près :
- Douleurs qui s’installent au dos ou dans les membres : Ă ne pas banaliser
- Raideur articulaire le matin ou au cours de la journée
- Fourmillements, engourdissements : dĂ©but probable d’un canal carpien ou d’une autre affection
- Perte de force ou de précision dans certaines tâches
Prendre au sĂ©rieux ces signaux, c’est offrir Ă chacun la possibilitĂ© de prĂ©server sa santĂ© physique et Ă©viter l’engrenage de la maladie professionnelle.
Adopter des pratiques simples et efficaces pour prévenir les TMS au quotidien
Traiter les troubles musculo-squelettiques passe par des solutions quotidiennes, concrètes et pragmatiques. Revoir l’ergonomie du poste de travail, c’est loin d’ĂŞtre un dĂ©tail. Adapter la hauteur du bureau, rĂ©gler l’Ă©cran Ă bonne distance, utiliser un siège conçu pour soutenir le dos. Ceux qui manipulent des charges ont aujourd’hui des alliĂ©s de poids : lève-personne, chariot, systèmes de portage pensĂ©s pour soulager au maximum.
Pour Ă©viter la routine qui use, alterner les tâches devient une habitude salutaire. RĂ©partir les gestes, changer de posture au fil de l’heure, s’autoriser de vraies pauses : autant d’actions qui freinent l’apparition des douleurs. Quelques Ă©tirements, le matin ou lors des coupures, suffisent Ă prĂ©server durablement les articulations.
Former les Ă©quipes reste incontournable. Tout le monde doit ĂŞtre sensibilisĂ©, informĂ© sur les risques attachĂ©s aux gestes rĂ©pĂ©tĂ©s, aux postures prolongĂ©es ou aux efforts physiques mal rĂ©partis. Des exercices pratiques aident Ă acquĂ©rir les bonnes postures, Ă dĂ©couvrir les Ă©quipements disponibles. La rĂ©glementation impose d’ailleurs l’Ă©laboration d’un plan de prĂ©vention dĂ©diĂ©. Des dispositifs d’accompagnement existent dĂ©jĂ pour Ă©pauler les entreprises dans cette dĂ©marche.
Il ne faut pas non plus nĂ©gliger le cadre collectif : l’Ă©quitĂ© dans la rĂ©partition des charges, une communication fluide, un environnement favorisant la rĂ©cupĂ©ration jouent un rĂ´le trop souvent sous-estimĂ©. La prĂ©vention des TMS demande une implication continue, aussi bien des managers que des salariĂ©s. Ergonomie, solidaritĂ©, attention Ă la moindre alerte doivent faire partie du quotidien.
Choisir de prĂ©venir les TMS, ce n’est pas s’imposer une contrainte : c’est miser sur son corps, prĂ©server son mĂ©tier, et dĂ©fendre la possibilitĂ© de travailler sans sacrifier sa libertĂ© de mouvement. Ce sont les gestes de chaque jour qui dessinent ce que chacun pourra encore accomplir demain. La santĂ© n’attend aucune pause.


